Annuaire de la Noblesse de France - Famille Petiton (1864)

Annuaire de la Noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe

André François Borel d'Hauterive

1864

 

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Petiton

Le nom de Petiton (qui s'est quelquefois aussi écrit Petitot en quelques vieux actes) est fort ancien et figure dans la nomenclature historique des compagnons de Guillaume le Conquérant, conservée dans des manuscrits anglais et donné par l'historien Dumoulin, au XVIIème siècle1. La famille qui porte actuellement ce nom, et où l'épée, la robe et d'autres carrières également distinguées ont été suivies avec honneur, est d'ancienne extraction normande; une tradition constante la rattache à cette antique origine. Mais le fait le plus remarquable qui se rencontre dans cette famille; ets sans contredit la composition de ses armoiries : c'est une des pages les plus curieuses de l'histoire du blason.
Quelques années avant la première croisade de 1099, racontent Favin, Fleureau, la Chesnaye Desbois et grand nombre d'autres auteurs2 , Eudes, die le Maire, chevalier et chambellan du roi Philippe Ier, accomplissant pour ce prince un voeu sacré, fit à pied,a rmé de toutes pièces, un cierge à la main, le pèlerinage de Jérusalem, et reçut au retour, pour récompense, le fief de Challou-Saint-Mard, proche Etampes, dont il prit le nom, et toutes sortes de curieux privilèges transmissibles à l'infini dans toute sa descendance masculine et féminine, par hommes et par femmes indifféremment. La charte qui constate les principaux de ces privilèges est rapportée par un grand nombre d'historiens, entre autres par M. Guizot3, comme une chose digne d'être notée dans l'histoire. Concurremment avec ces avantages, la lignée de Challou-Saint-Mard, car c'est ainsi que sa descendance d'ensemble est désignée, se trouva, peu de temps après la première croisade, en possession de transmettre, même par les femmes, l'écu de son premier auteur, écartelé des armoiries du

1 Dumoulin, Histoire de Normandie; liste des compagnons de Guillaume le Conquérant.
2 V. André Favin, Histoire de Navarre, t. II, p. 1145 et suiv.; Fleureau, Antiquités d'Etampes, p. 77 et suiv.; la Chesnaye Desbois, Dictionnaire de la Noblesse, au mot Challou Saint-Mard; le P. de Montfaucon, Monarchie Française, t II, p. 216; le Bret, en ses plaidoyers, n°12; le jurisconsulte Chopin, en ses oeuvres; M. de Combles, Traité des devises héraldiques, p. 134; etc etc
3 Histoire de la civilisation en France, quatrième volume.


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royaume de Jérusalem, en souvenir du service rendu. Seulement, quand cet écusson écartelé était apporté par une femme à son mari, en frome de dot d'honneur, celui-ci, en l'adoptant, le chargeait de ses propres armes, et c'étaient les armoiries ainsi formées qui passaient à leur postérité. Indépendamment des auteurs déjà cités, un des vitraux de Saibt-Etienne du Mont, ) Paris, porte encore aujourd'hui la preuve de cette manière de procéder1.
Les familles de la lignée avaient donc, outre le mode ordinaire, une manière spéciale de dresser leut arbre généalogique, qui consistait à suivre le sang et l'écusson, et à remonter de degré en degré, en passant indiféremment par les filiations féminines et les changements de nom, jusqu'à l'auteur premier. C'est ainsi que furent dressées les généalogies d'un assez grand nombre de familles; elles se trouvent aux Archives de l'empire, homologuées par le grand conseil pour certains droits dans l'ancienne université de Paris, dont jouaissait aussi cette descendance2. Toutes les familles de la lignée se trouvaient ainsi en position de prétendre, à bon droit, qu'elles remontaient jusqu'à la première croisade, et c'est pour cette raison que leurs membres préféraient cette qualification de membres de la lignée de Challou-Saint-Mard aux titres ordinaires et moins caractéristiques d'écuyer et de chevalier, dont ils pouvaient être personnellement revêtus.
On conçoit que parmi ces familles, celles qui acquirent de l'illustration par elles-mêmes perdirent assez rapidement de vue leur droit à l'écusson de Chalou-Saint-Mard. Il n'en fut pas de même des familles d'un rang moins élevé dans la noblesse, quoique distingué d'ailleurs, et qui trouvaient là le plus vieux fleuron de leur couronne. Aussi dans les tables généalogiques et dans les recueils d'armoiries3 retrouve-t-on cet écusson, d'intervalle en intervalle, chez un certain nombre de familles. Mais la branche qui a conservé complétement intacte jusqu'à nous ce privilège exceptionnel d'armoiries, et qui d'ailleurs a

1 Dans la deuxième chapelle à gauche, où est la sépulture de Claude le Hardy, descendant par femmes du chevalier Eudes.
2 Archives de l'Empire, M 92 et 94. Cartons relatifs au collège de Boissy. - Histoire de ce collège, et tables généalogiques dans ces mêmes cartons.
3 Voir les cartons ci-dessus cités, aux Archives, et aussi l'Annuaire de la noblesse de France, année 1859; liste des échevins de Paris.


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joui, la dernière, des épaves des droits de la lignée par plusieurs des siens (l'un d'eux, M. Brière de Valigny, est actuellement conseiller honoraire à la cour de cassation), c'est celle qui était présentée, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, par Jean Brière de Mondétour1, écuyer, seigneur dudit lieu. Sa descendance a formé plusieurs rameaux, de l'un desquels sont issus M. Petiton. La dernière génération citée plus bas de leur famille a, en effet, pour bisaïeule une demoiselle Brière de Mondétour, fille de Jean de Mondétour, qui vient d'être nommé, et tante de M. le conseiller Brière de Valigny.
C'est ainsi que des membres de la famille Petiton se trouvent en possession de se dire de la lignée de Challou-Saint-Mard, qualification qui est prise avec suite dans les actes authentiques passés par eux; c'est ainsi enfin qu'ils sont en droit de porter l'écusson écartelé de Jérusalem et de Challou-Saint-Mard mentionné ci-dessus.
Suivant l'antique usage de la lignée, ils le chargent de leurs propres armes du nom, à savoir : un lion léopardé d'or, surmonté d'un croissant d'argent en champ de gueules.

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