Traité de la Police ecclesiastique - René Choppin (1662)


Traité de la police ecclésiastique
auquel est amplement traité des droicts Royaux, selon l'usage des Cours de France, sur les
personnes & biens ecclésiastiques

Traduit du Latin de M RENE CHOPPIN, I.C. Angeuin, ancien &
celebre Advocat en la Cour de Parlement,

Par M.I. TOURNET, aussi Advocat en ladite Cour,
& au Conseil Privé du Roy

Reveu & corrigé en cette derniere Edition plus exactement
que dans les precedentes

TOME IV
A PARIS, chez Edme Couterot, rüe Sainct Iacques, au bon Pasteur
M. DC. LXII.

Livre Troisième, Titre II : L'Eglise ne peut acquerir un fonds d'heritage, qu'à la charge du cens & des arrerages qui en sont deubs.

n° 21 - Quelquesfois les personnes laïques iouïssent de plusieurs franchises & exemption en faveur de l'Eglise

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D'ailleurs, les Roys ont quelques-fois octroyé aux personnes prophanes & laïques le privilege & exemption des charges reelles & patrimoniales, en consideration & pour le respect de l'Eglise mesme, ou à raison de quelque devoir de pieté, dont ils se seroient dignement & devotement acquitez. Car le Roy Philippes I, affranchit la famille, enfans & toute la posterité d'Eude le Maire, dit Chalo S. Mas, dautant qu'il fit le voyage de la terre Sainte, portant les habits de Pelerin, la besace, & le baston en main, selon que ledit Roy Philippes avoit voüé d'aller luy mesme en personne en l'Asie, pour visiter le saint Sepulchre de nostre Seigneur. Or sçavoir si ce privilege d'exemption simplement & absolument donné à quelqu'un, a esste extensif aux enfans ou aux vefves des privilegiez : Cynus en fait un Traité exprés, l.2 Cod. de Epifcop. & Clericis : Barole in l. femper, &? immunitati, ff. de lure immunis. Il est bien certain que le privilege generalement donné ne s'étend point aux charges réelles a patrimoniales, sinon au cas il en fust faite expresse mention, l. bis honoribus, FF. de vacat. & excus. mun. Davantage, tel privilege ne se doit pas étendre aux honneurs, l. cui muneris, ff. de munerib. & honoribus. C'est pourquoy tel privilege doit estre tenu beaucoup plus auguste portant exemption des charges réelles & patrimoniales : dautant que les privileges sont ordinairement personels, particuliers & temporels, & non pas hereditaires & perpetuels. V lpian, lib. 3 opinionum l.1 FF; de iure immunit. Mais tout ainsi que les Atheniens ayant donné l'immunité & exemption à deux de leur Citoyen Armodius & Aristogiton, declarerent nommément que le mesme privilege seroit reservé à toute leur lignée & postérité, ainsi quu nous lisons dans Demosthene en l'Oraison ad Leptimem : Aussy nos Roys voulurent & ordonnerent que le Privilege qui sera cy-apres tranfcrit donné pour une cause pieuse à Eude le Maire, s'étendroit à toute la lignée & postérité, comme pour un témoignage d'un fait mémorable, & d'une palme & victoire communicable à tous les successeurs & heritiers : laquelle aussi pour marque & symbole, les heritiers & successeurs dudit Pelerin ont conservée en témoignage du voyage accomply & entierement executé par luy, Les lettres dudit privilege d'exemption & franchise de toutes tailles & imposts, se trouvent avoir esté transcrites par trois Abbez de la ville de Paris, à sçavoir de saint Magloire, de saint Victor & de sainte Geneviève, témoins oculaires de ce Privilege Royal, & qui en ont veu & leu l'original : Il est donc tel qu'il suit. Notum fieri volumus universis, quòd Odo Maior de Challo nutu divino concessu Philippi Franciæ Regis cuius famulus erat, ad Sepulchrum Domini perrexit, qui Ansolidum filium suum, & quinque filias suas in manu & custodia ipsius regis dimisit; Et ipse Rex pueros illos in manu & custodia recepit & retinuit, concessitque Ansolido & quinque præfatis soreribus suis Odonis filiabus pro Dei amore & sola charitatis gratia, & sancti Sepulchri reverentia, quòd fi hæredes masculi ex ipsis excunies fæminas iugo servitutis Regi detentas matrimonio ducerent, liberabat, & à vinculo servitutis absoluebat. Si verò serui Regis fæminas de genere heredum Odonis maritali lege duxissent, ipsecum heredibus Marchiam suam de Challo & homines suos custodiendos in feodo concessit : Ita quòd pro nullo famulorum Regis, nisi prosolo Rege iustitiam facerent : Et quòd in tota terra Regis nullam consuetudinem darent. Rex verò tunc temporis præcepit famulis suis de

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Stampis, ut custodirent Challo Cameram suam, quia Challo debet custodire Stampas, & earum curam sernandarum vigilanter habere. Et ut hæc libertas & hæc pacta firma & inconuulsa permaneant, memoriale istud indefieri, & nominus sui caractere seu sigilla signari, & præsente propria manu sua, cruce facta, carraborari præcepit. Adstantibus de Palatio eius quorum nomina subtitulata, & signa. S. Hugonis tunc temporis Dapiseri, S. Guastionus de Pistiaco Constobularÿ, S. Pagani Aurelianen. Cubicularÿ, S. Guidonis fratris Galerani Camerarÿ. Actum Stampis Mense Martÿ in Palatio. Anno ab Incarnation 1085. Anno verò Regni eius 25. Ego Frater Andræs B. Maglorÿ Parisius humilis Abbas testificor me vidisse privilegium illustrissimi Regis Philippi, & verbo adverbum legisse, prout continetur in præsenti Scripto. Ego frater Anselmus S. Victoris Parisius humilis Abbas testificor me vidisse privilegium illustrissimi Regis Philippi, & verbo ad verbum legisse, prout continetur in præsenti scripto. Ego FraterTheobaldus S. Genouefæ Parisius humilius Abbas testificor me vidisse privilegium illustrissimi Regis Philippi, & verbo ad verbum legisse, prout continetur in præsenti Scripto. Ledit Roy Philippes I. fut couronné Roy l'an 1059. du vivant de Henri I. son pere, & fut enterré en l'Abbaye de S. Benoist sur Loire. Icy on peut remarquer qu'anciennement les contracts, conventions, Privileges & autres actes, le plus souvent estoient faits & passez pardevant les Evesques & autres Prelats de l'Eglise ou leur Officiaux, ou devant les Abbez, lesquels lettoient a redigeoient par écrit les accords & traittez des parties contractantes, & principalement des Princes & grands Seigneurs, comme il se verifie de cette Charte & plusieurs autres, que i'ay autrefois eu entre mes mains. Suivant cette ancienne coutume, le Pape Innocent III. au chapitre, Cum dilecta. De confirmat vtil. vel inut. rapporte qu'il y eut quatre Abbez deputez & commis pour reconnoistre les privileges de certaines Religieuses d'Allemagne, lesquels ils signerent de leur cachet pour en instruire & en donner certaine preuve à toutes la postérité. Quant audit privileges d'Eude le Maire dit Chalo S. Mas, il y a eu plusieurs Arrests donnez en consequence d'iceluy. Entr'autres un du 8. Aoust 1598 sur l'appel de la Sentence des Requestes de l"Hostel du 6. Iuin 1597. au profit de Iulien Berthier Procureur du Roy au Bailliage de Nemours, comme estant de la lignée de Chalo saint Mas, touchant l'exemption des tailles, contre les habitans de la ville de Nemours. Autre Arrest du Parlement du 27. Iuin 1598. touchant les tailles & subventions, au profit de Hierosme Troussart comme estant de ladite lignée, contre les habitans de la Paroisse de saint Saturnon de la ville de Chartres, les Eschevins de la ville ioints avec eux, en confirmant la Sentence des Maistres des Requestes de l'Hostel du 14. Février 1597. par laquelle il esr dit que Troussart iouira de l'exemption, & sera rayé du roolle des subventions levées en ladite ville de Chartres, & defenses de plus l'y apposer, sauf pour les fermes, si aucunes il avoit tenuës ou tiendroit, & trafic qu'il auroit fait ou feroit, pour raison dequoy ledit Troussart sera compris audsits roolle cottizé par iceux, eux égard ausdits trafics & fermes. Trois Arrests du grand Conseil en reglement frd Iuges du II. d'Aoust 1587. du 8 mars 1588. & du 10. Novembre 1594. que mesme en fait d'Aydes les causes desdits privilegiez de Chamo saint Mas sont renvoyées contradictoirement au Requestes de l'Hostel, & non en la Cour des Aydes, où les fermiers demandoient leur renvoy. Le premier desdits Arrests donné contre Iacques Provençal fermier des huictièmes & vingtièmes des vins vendus à Estampes, demandeur en reglement de Iuges pour le differend des deu Cours de Parlement & des Aydes, au profit de Iean Houy, Pierre de Poigny, & Mathurin Lucas, de la franchise de Chalo saint Mas, defendeurs. Le second entre Rolland Hatte Notaire au Chastelet lignagers de S. Mas, demandeur en requeste de cassation de procedures, contre Charles le Grand Esleu de Paris, & Pierre Thomas fermier du huictième du petit Pont. Le troisième Arrest pour Lyon Hersant, Iean Salet, & Louïs Comiliers lignagiers de Chalo S. Mas demeurans à Chartres, demandeurs audit reglement de Iuges, contre Pierre Barré fermier des entrées des vins dudit Chartres. Il y a eu Patentes de Declaration du Roy du 11 Mars 1587. enregistrées au Parlement le dernier Avril audit an, portant interdiction à la Cour des Aydes de connoistre aucunement de la franchise de Chalo S Mas. Arrest du Parlement de Paris du 21. Aoust 1599, au profit de Claude Voysin privilégié de la lignée de Chalo saint Mas, contre les Manans & Habitans de Thoury, sur l'appel de la Sentence des Maistre des Requestes de l'Hostel, du 18. May 1598. touchant l'exemption des Tailles. Autre Arrest de la Cour du 27. Mars 1599. pour Lyon hersant & deux autres de Chalo saint Mas, contre les Fermiers de l'entrée du vin en la ville de Chartres sous Mont-l'hery, sur l'appel desdites Requestes de l'Hostel. Mail il a eu Arest du 2. Iuin 1601. au

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rapport de Monsieur Faye à la grand'Chambre sur Lettres Patentes du Roy du mois de Mars 1600. & du mesme mois 1601. abrogatives de tous les privileges de Chalo S. Mas, par lequel Arrest ceux de cette lignée seulement qui vivent sans trafic sont exempts & privilegiez, nempe, ceux qui ne sont marchands ordinaires, pour le egard desquels ils ioüiront selon les Arrests & reglemens de la Cour, aux restrictions portées par iceux Arrests. Finalement sur nouvelles Patentes du Roy de suppression de tous privileges de Chalo saont Mas, & apres sept iussions faites à la Cour, elle a tout abrogé & aboly par Arrest du commencement de Iuillet 1602. au rapport de Monsieur Faye.
22 - De l'exemption & privilegeRoyal donné aux successeurs de la parenté & lignée d'Eude la Maire dit vulgairement Chalo. S. Mas.
Quoy qu'il en soit, ledit privilege & franchise a esté l'espace de long-temps maintenu & conservé par plusieurs declarations des Roys, & Arrests precedens des Cours souveraines. Le Roy Philippes de Valois voulut que les Lettres de ce privilege fussent vérifiées avec grande connoissance de cause & enqueste sur ce faite par les Maistres des requestes de l'Hostel commis de par le Roy à cet effet au mois de Decembre l'an 1336. Depuis le Roy Iean II. au mois de Novembre l'an 1350. confirma lafite franchise & exemption.Le Roy Charles V. l'an 1436. Louis XI. au mois de Ianvier 1461. Charles VIII le 29. Octobre 1483. & par les mesmes Lettres attribua la connoissance desdites franchises aux Maistres des Requestes ordinaire de son Hostel : depuis encore ladite franchise fut renouvellée par lettres du Roy Loüis XII. le 12.Septembre 1498. & par aprs restraincte par le Roy François I. le 19. Ianvier 1540. à la charge que lesdits priviligiez seroient seulement exempts pour les choses qu'ils feroient conduire & voicturer pour leur usage. Ma femme est issüe de cette ancienne lignée d'Eude le Maire, affranchie & exempte par le moyen dudit privilege, de laquelle sont nez nos enfans communs & nos petits enfans, lesquels de degré en degré pourront iouïr de la mesme franchise, ainsi que les autres de cette famille & lignée, tant & si long-temps que les Cours de France voudront conserver et maintenir ledit privilege. Car encore que la franchise donnée à la famille & à la postérité ne s'étende point sur ceux qui sont venus du costé des femmes, selon l'aduis d'Ulpian, l.I ff de Iure immunit. Toutesfois quand la loy fait speciale mention tant des masles que des femelles, le privilege a lieu en tous les deux : & de fait nous avons ainsi iusques à present usé : comme pareillement si le privilege est concedé à la lignée, Soboli & Proli, les femmes y sont comprises sous lesdits noms de Soboles ou de Proles, l. 5 Cod. de naturalib. liber. l. vlt. Cod. de bon. præscript. l. I. Cod. Ne rei domin. vel templ. Bald. in l. I. Cod. de priviled. dot. C'est pourquoy la Cour ne fit aucune difficulté de cerifier les Lettres d'exemption pour les descendus de la lignée de Chalo saint Mas, par Arrest du 6. Septembre l'an 1566. & neanmoins la verification en fut faite avec la restriction de l'Edict de l'an 1540. publié en la Cour le 6. Février de la mesme année. mais iusques à present on a mis en doute qui sont les Iuges ausquels appartient la connoissance dudit privilege. Car les Esleus pour le Roy sur le fait des Tailles & Aydes, pretendent que la connoissance de cette matiere leur appartient : & d'ailleurs il n'y a aucun doute que les Maistres des Requestes ordinaires de l'Hostel du Roy, ne soient Iuges naturels de ce qui concerne l'autre nature de subventions & revenus du Patrimoine propre de la Couronne, qui est comme l'ancien propre & Domaine des Roys, & souvent la Cour les a declarez vrays & legitimes Iuges de tels differends, par Arrest du 7. Septembre 15°7. donné entre Iean de Challons & Lardin Couppel, depuis par autre Arrest du 8. Avril l'an 1508. entre Loüis Tierfet & Ien Hebert : & encore par autre Arrest du II. Decembre 1531. Brodeau plaidant pour l'appellant, & Bouguier pour l'intimité, Aligret pour le Procureur du Roy. Autres Arrests pour mesme le I. Avril 1522. & le 29. Mars 1526. Enfin le Roy declara par ses Lettres son intention à la Cour de Parlement, qui estoit telle, qu'il vouloit & entendoit que les Maistres des Requestes de son Hostel eussent la Iuridiction & cnnoissance desdits privilegiez, par Arrest du 4. Iuillet 1573. entre Guillaume Houille fermier des Aydes, & Nicolas Mauclerc issu de la lignée d'Eude le Maire & privilegié pour lequel ie plaidois en la cause. Il y a eu depuis lettres derogatoires audit privilege, avec Arrest de la Cour, que i'ay raporté au premier Livre de mes Commentaires sur la Coutume d'Anjou, chapitre 8. article 7. Nonobstant toutes lesquelles Declarations, le Roy depuis en fit une autre, par laquelle il declaroit que ledit privilege & franchise devoit s'étendre sur toute sorte d'imposts, aydes sur le vin, soit huictième, soit vingtième, encore que lesdits subsides sur le vin ayant esté instituez &

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& imposez long-temps apres cet ancien privilege & franchise des issus d'Eude le Maire, dont y a Lettres Patentes du mois de Mars 1559. du dernier Aoust 1560. du mois de Mars 1575. & depuis autres Lettres du Roy du 27. Aoust 1585. publiées en Parlement du 11. Février 1586. Toutesfois nonobstant cela sur la plainte du fermier general des Aydes, la Cour appointa la cause au Conseil le 24. Iuillet 1586. Durand & Mornac plaidans en la cause. 

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