Fabricant de chapeaux et couvre-chefs.
Au Moyen-Age, le métier de chapelier se divisait en plusieurs branches. Il y avait les chapeliers de fleurs, les chapeliers de coton, les chapeliers de paon, les faiseuses de chapeaux d'orfrois, les chapeliers de feutre.
**Définitions de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1758) ** **CHAPELIER **S. m. (Art méchan.) ce terme a deux acceptions : 1°. il se dit de celui qui a le droit de faire fabriquer, de fabriquer & de vendre des chapeaux, en qualité de membre de la communauté des Chapeliers. Cette communauté date son origine de 1578. Elle est gouvernée par quatre jurés, dont le premier a été pris dans le nombre des anciens jurés, & s'appelle grand-garde, & les trois autres, entre les maîtres de dix ans de réception. Ils n'ont chacun que deux ans d'exercice. Pour être admis à la maîtrise, il faut avoir fait cinq ans d'apprentissage, quatre ans de compagnonage, & chef-d'oeuvre. Il n'y a que les fils de maîtres qui soient exempts de ces épreuves. Ce corps est divisé en marchands & en fabriquans ; les marchands, en marchands en neuf, & marchands en vieux ; & les fabriquans, en Chapeliers proprement dits, & en teinturiers. Les arracheurs, les coupeurs, les apprêteurs, & autres dont il est fait mention à l'article CHAPEAU, sont des ouvriers attachés à la fabrique des chapeaux, & soûmis aux visites des jurés Chapeliers. Voyez à l'article CHAPEAU, sur la fin, l'abregé des réglemens. Chapelier se dit 2°. d'un ouvrier, même compagnon, qui fabrique le chapeau. |
Pendant le haut Moyen-Age, le terme chapeau désignait les couronnes en métal ou de fleurs aussi bien que les couvre-chefs. Les chapeaux de fleurs servaient à retenir les cheveux que l'on portaient très longs, remplacés par des cercles de bijoux par les plus riches. Leur usage est rare au XIème siècle, il l'est moins aux XIIème et XIIème siècles. D'après l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert, c'est à partir du règne de Charles VII que les chapeaux sont d'usage courant (voir ci-dessous). Les ecclésiastiques n'avaient pas le droit d'en porter.
Les chapeaux de paons et d'orfrois sont réservés aux grandes dames, tout au long des XIVème et XVème siècles. Les chapeliers de coton vendaient en fait des bonnets et des gants de laine.
Les premiers statuts des chapeliers datent de la fin du règne de St Louis, du temps d'Etienne Boileau. les maîtres chapeliers ne pouvaient avoir qu'un seul apprenti. L'apprentissage durait sept ans. Les contraintes de la corporation n'étaient pas très importants : interdiction de faire entrer dans la confection de feutre autre choses que du poil d'agneau, interdiction de vendre de vieux chapeaux reteints, d'ouvrir la boutique le dimanche, de travailler avant le jour ... A partir du XIVème siècle, on utilisait le castor et la laine pour la confection des chapeaux, ainsi que de poil de lapin. Au XVIIIème siècle le poil de chameau est même utilisé. Les maîtres et les compagnons forment une société secrète. Ils ont le titre de Compagnon du devoir. Jusqu'en 1655 les cérémonies de la confréries ressemblent à des parodies de messes : dénoncés, la Sorbonne intervient face aux "diableries des chapeliers", qui cessent alors.
**Définitions de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1758) ** **CHAPEAU** S. m. (Art. Méchan.) ce terme a deux acceptions ; il signifie ou une étoffe particuliere, serrée, compacte, qui tient sa consistance de la foule seule, sans le secours de l'ourdissage ; ou la partie de notre vêtement, qui se fait ordinairement avec cette étoffe, & qui sert à nous couvrir la tête. On dit, selon la premiere acception, cette étoffe est du chapeau ; & selon la seconde, mettez votre chapeau.
Les ouvriers qui font le chapeau, s'appellent Chapeliers. Voyez l'article CHAPELIER. Nous allons expliquer en même tems la maniere dont on fabrique l'étoffe & le vêtement, appellé chapeau.
On se sert pour faire le chapeau de poil de castor, de lievre & de lapin, &c. de la laine vigogne & commune. Voyez les articles LAINE & CASTOR. Notre castor vient du Canada en peaux : il nous en vient aussi de Moscovie. La vigogne la plus belle vient d'Espagne, en balle.
On distingue communément deux poils à la peau du castor, le gros & le fin. On commence par enlever de la peau le gros poil ; le fin y reste attaché. Ce travail se fait par une ouvriere appellée arracheuse, & l'on procede à l'arrachement sans aucune préparation de la peau, à moins qu'elle ne soit trop seche ou trop dure ; dans ce cas, on la mouille un peu du côté de la chair : mais les maîtres n'approuvent point cette manoeuvre qui diminue, à ce qu'ils prétendent, la qualité du poil, & ne sert qu'à faciliter le travail de l'arracheuse.
Pour arracher, on pose la peau sur un chevalet tel, à-peu-près, que celui des Chamoiseurs & des Mégissiers ; à cela près, que si l'on travaille debout, le chevalet est en plan incliné ; & qu'au contraire, si l'on travaille assis, comme c'est la coûtume des femmes, les quatre piés du chevalet sont de la même hauteur, & qu'il est horisontal. Voyez les articles CHEVALET, [CHAMOISEUR](content/view/24/27/) , & MEGISSIER. La surface supérieure de ce chevalet est arrondie. Pour arrêter la peau dessus, on a une corde terminée par deux especes d'étriers, on met les piés dans ces étriers, & la corde serre la peau sur le chevalet ; on appelle cette corde, tire-pié : mais il y a des ouvrieres qui travaillent sans se servir de tire-pié, & qui arrêtent la peau avec les genoux contre les bords supérieurs du chevalet.
Quand la peau est sur le chevalet, on prend un instrument appellé plane : la plane des Chapeliers ne differe pas de la plane ordinaire. Voyez l'article PLANE. C'est un couteau à deux manches, d'environ trois piés de long sur quatre à cinq doigts de large, fort tranchant des deux côtés ; on passe ce couteau sur la peau : mais il y a de l'art à cette manoeuvre ; si on appliquoit la plane fortement & très-perpendiculairement à la peau, & qu'on la conduisît dans cette situation du haut em-bas du chevalet, on enleveroit sûrement & le gros poil & le fin. Pour ne détacher que le premier, l'ouvrier n'appuie son couteau sur la peau que mollement, le meut un peu sur lui-même, & ne le descend du haut em-bas de la peau qu'à plusieurs reprises, observant de faire le petit mouvement circulaire de plane, à chaque reprise. Cette opération se fait à rebrousse poil ; ainsi la queue de la peau est au haut du chevalet, & la tête est au bas. Mais comme la queue est plus difficile à arracher que le reste, on place un peu de biais la peau sur le chevalet, quand on travaille cette partie ; ensorte que l'action de la plane est oblique à la direction, selon laquelle le poil de la queue est naturellement couché.
On achete les peaux de castors par ballots ; le ballot pese cent-vingt livres : on donne un ballot à l'arracheuse, qui le divise en quatre parties ; chaque partie s'appelle une pesée. La pesée varie beaucoup quant au nombre des peaux ; cependant elle en contient ordinairement dix-huit à dix-neuf grandes. Il y a des pesées qui vont jusqu'à trente-cinq.
Quand la peau est planée, ou l'arracheur continue l'ouvrage lui-même, ou il a une ouvriere par qui il le fait continuer : cette ouvriere s'appelle une repasseuse. Pour cet effet, la repasseuse se place contre quelque objet solide, comme un mur ; elle prend un petit couteau à repasser, qu'on voit fig. 20. des Planches du Chapelier, long d'un pié, rond par le bout, tranchant seulement d'un côté ; elle fixe la peau entre son genou & l'objet solide, & exécute à rebrousse poil avec le couteau à repasser, aux extrémités & aux bords de la peau, ce que le planeur n'a pû faire avec la plane. Pour cela, elle saisit le poil entre son pouce & le tranchant du couteau, & d'une secousse elle arrache le gros, sans le couper. L'arracheur & la repasseuse, s'ils sont habiles, pourront donner ces deux façons à deux pesées par jour. La repasseuse étant obligée d'appuyer souvent le pouce de la main dont elle tient le couteau contre son tranchant, elle couvre ce doigt d'un bout de gant qui l'empêche de se couper ; ce bout de gant s'appelle un poucier.
Le gros poil qu'on vient d'arracher tant à la plane qu'au couteau, n'est bon à rien ; on le vend quelquefois aux selliers, à qui l'usage en est défendu. Ce poil ne s'arrache pas si parfaitement, qu'il ne soit mêlé d'un peu de fin : or ce dernier étant sujet aux vers, les ouvrages que les Selliers en rembourrent, en sont promtement piqués.
Les peaux planées & repassées sont livrées à des ouvrieres qu'on appelle coupeuses. Celles-ci commencent par les battre avec des baguettes, pour en faire sortir la poussiere, & même le gravier ; car il ne s'agit dans tout ce que nous avons dit jusqu'à présent, que des peaux de castor. Après avoir été battues, elles sont données à un ouvrier, qui les rougit. Rougir les peaux, c'est les frotter du côté du poil, avec une brosse rude qu'on a trempée dans de l'eau-forte, coupée à-peu-près moitié par moitié avec de l'eau. Le rapport de la quantité d'eau à la quantité d'eau-forte, dépend de la qualité de celle-ci. Au reste quelque foible qu'elle soit, il y a toujours bien un tiers d'eau. On dit que cette préparation fortifie le poil, & le rend en même tems plus liant ; de maniere que quand il est employé en chapeau, le chapeau n'est pas sujet à se fendre.
Quand les peaux sont rougies, on les porte dans des étuves, où on les pend à des crochets, deux à deux, poil contre poil ; on les y laisse sécher ; plus l'étuve est chaude & bien conduite, mieux les peaux se sechent, & sont bien rougies. Au sortir de l'étuve, elles reviennent entre les mains des coupeuses. Ces ouvrieres commencent par les humecter un peu du côté de la chair, avec un morceau de linge mouillé. Cette manoeuvre se fait la veille de celle qui doit suivre, afin qu'elles ayent le tems de s'amollir. Les maîtres ne l'approuvent pas : mais elles n'en a pas moins lieu pour cela : car elle facilite l'ouvrage en ce que le poil s'en coupe plus aisément, & augmente le gain en ce que l'eau ayant rendu le poil plus pesant, l'ouvriere que le maître paye à la livre, reçoit davantage pour une même quantité de poil coupé. La coupeuse est droite ou assise ; le mieux est d'être debout devant un établi : elle a devant elle un ais ou planche de sapin d'environ trois piés de long, & large d'un pié & demi ; elle étend sa peau sur cette planche, elle prend l'instrument qu'on voit fig. 17. & qu'on appelle un carrelet : c'est une espece de carde quarrée, très-fine ; elle passe cette carde sur la peau pour en démêler le poil, ce qui s'appelle décatir ; car la peau ayant été mouillée quand on l'a rougie, les extrémités des poils sont souvent collés ensemble, ce qui s'appelle être catis. Quand elle a carrelé sa peau, elle se dispose à la couper : pour cet effet, elle a un poids d'environ quatre livres, qu'elle pose sur la peau étendue sur la planche ou ais, à l'endroit où elle va commencer à couper ; ce poids fixe la peau, & l'empêche de lever & de suivre ses doigts, pendant qu'elle travaille ; elle couche le poil sous sa main gauche, selon la direction naturelle, & non à rebrousse poil ; elle tient de la droite le couteau à couper qu'on voit figure 21. large, très-tranchant, emmanché, & ayant le tranchant circulaire ; elle pose verticalement le tranchant de ce couteau sur le poil, elle l'appuie & le meut en oscillant, de maniere que tous les points de l'arc circulaire du tranchant sont appliqués successivement sur le poil, de droite à gauche & de gauche à droite. C'est ainsi que le poil se coupe, le couteau avance à mesure que la main gauche se retire ; le plat du couteau est parallele à l'extrémité des doigts de cette main. Le poil est coupé ras à la peau ; c'est du moins une des attentions que doit avoir une bonne coupeuse, afin qu'il n'y en ait point de perdu : l'autre, c'est de ne point enlever de pieces de la peau ; ces pieces s'appellent chiquettes : ce sont des ordures qui gâtent dans la suite l'ouvrage ; & les défauts qu'elles y occasionnent font des duretés sensibles aux doigts auxquelles on a conservé le même nom de chiquettes. Il faut que la coupe se fasse très-vîte, car les habiles peuvent couper une pesée en deux jours ou deux jours & demi. A mesure que les coupeuses travaillent, elles enlevent le poil coupé & le mettent proprement dans un panier.
On distingue le poil en gros & en fin, avant que la peau soit arrachée ; & quand on la coupe, on distingue le fin en trois sortes, le blanc, le beau noir, & l'anglois. Le blanc est celui de dessous le ventre, qui se trouve placé sur les deux extrémités de la peau, lorsque l'animal en est dépouillé ; car pour le dépouiller, on ouvre l'animal sous le ventre, & on fend sa peau de la tête à la queue. Le beau noir est le poil placé sur le milieu de la peau, & qui couvre le dos de l'animal : & l'anglois est celui qui est entre le blanc & le noir, & qui revêt proprement les flancs du castor. On s'en tient communément à deux divisions, le blanc & le noir : mais la coupeuse aura l'attention de séparer ces trois sortes de poils, si on le lui demande. Le blanc se fabriquera en chapeaux blancs, quoiqu'on en puisse pourtant faire des chapeaux noirs. Quant au noir, on n'en peut faire que des chapeaux noirs ; non plus que de l'anglois dont on se sert pour les chapeaux les plus beaux, parce que ce poil est le plus long, ou qu'on le vend quelquefois aux Faiseurs de bas au métier, qui font filer & en fabriquent des bas moitié soie & moitié castor. Il sert encore pour les chapeaux qu'on appelle à plumet ; on en fait le plumet ou ce poil qui en tient lieu, en s'élevant d'un bon doigt au-dessus des bords du chapeau.
Il y a deux especes de peau de castor, l'une qu'on appelle castor gras, & l'autre castor sec. Le gras est celui qui a servi d'habit, & qu'on a porté sur la peau ; plus il a été porté, meilleur il est pour le Chapelier ; il a reçu de la transpiration une qualité particuliere. On mêle le poil du castor gras avec le poil du castor sec ; le premier donne du liant & du corps au second : on met ordinairement une cinquieme partie de gras sur quatre parties de sec ; aussi ne donne-t-on aux ventes du castor qu'un ballot de gras sur cinq ballots de sec. Mais, dira-t-on, comment fabriquer le poil de castor au défaut de gras "t"> Quand ils sont entierement apprêtés, on les porte dans les étuves où on les fait sécher. Quand ils sont secs, on les abat avec un fer à repasser, qu'on voit Planc. III. fig. 8. qui a environ deux pouces d'épaisseur, cinq de largeur, & huit de longueur, avec une poignée, comme celui des blanchisseuses. On fait chauffer ce fer sur un fourneau, fig. 9. le dessus de ce fourneau est traversé de verges de fer qui soûtiennent le fer : on a devant soi un établi, on met le chapeau en forme, on prend la brosse à lustrer, on la mouille d'eau froide, on la passe sur un endroit du bord, & sur le champ on repasse cet endroit avec le fer, & ainsi de suite sur toute la surface du bord ; ce qui forme une nouvelle buée qui acheve d'adoucir l'étoffe. Après avoir repassé, on détire, on abat, & on continue la buée, le repassage, le détirage, & l'abatage sur les bords jusqu'à ce qu'ils soient tout-à-fait plats. Cela fait, on met la tête du chapeau dans un bloc, on arrose la face du bord qui se présente avec la brosse, & on la repasse comme l'autre ; on applique le fer très-fortement, on y employe toute la force du bras, & même le poids du corps. Quand le chapeau est abattu du bord, on abat la tête pour cet effet, on en humecte legerement le dessus avec la lustre, & on y applique fortement le fer qu'on fait glisser par-tout ; on acheve la tête sur ses côtés de la même maniere. On prend ensuite le peloton, ou avec le talon de la main on appuie sur la tête ; on fait tourner la forme, & on couche circulairement tous les poils. Toute cette manoeuvre s'appelle passer en premier. Le chapeau passé en premier est donné à une ouvriere qu'on appelle une éjarreuse : elle a une petite pince (fig. 10. Pl. III.) courbe, & large par le bout à-peu-près d'un pouce ; elle s'en sert pour arracher tous les poils qu'on appelle jarre. On éjarre quelquefois toute la surface du chapeau, plus ordinairement on n'éjarre que les côtés. Quand ils sont éjarrés, on les donne à garnir, c'est-à-dire à y mettre la coëffe, c'est une toile gommée ; elle est de deux parties, le tour & le fond ; le tour est le développement du cylindre de la forme, le fond est un morceau quarré ; on commence par bâtir ces deux morceaux ensemble, puis on l'ajuste dans le fond du chapeau ; on commence par ourler les bords de la coëffe, & les coudre aux bords de la tête du chapeau, de maniere que le point ne traverse pas l'étoffe du chapeau, mais soit pris dedans son épaisseur, puis on arrête le fond au fond de la tête par un bâti de fil. Quand il est garni, on finit de le repasser au fer : pour cet effet, on le mouille legerement avec la lustre ; on passe le fer chaud sur le bord ; on le brosse ensuite fortement ; on le repasse au fer ; on lui donne un coup de peloton. Il faut seulement observer qu'on ne mouille pas le dessus de l'aîle, l'humidité que le fer a fait transpirer du dessous est suffisante. C'est alors qu'on y met les portes, les agraffes, le bouton & la gance. Après quoi on le repasse en second avec la brosse rude, le fer & le peloton. On le met pour cela sur une forme haute ; on le brosse : on le presse avec le fer ; on le lustre avec la lustre, & on y trace des façons avec le peloton mouillé. On l'ôte de dessus la forme ; on le brosse encore avec la lustre mouillée tout-autour ; on y pratique des façons avec le peloton, & on le pend au plancher où l'on a attaché de petites planches traversées de chevilles, qui peuvent par conséquent soûtenir des chapeaux de l'un & de l'autre côté. Voilà comment on acheve un chapeau ordinaire après la teinture : il y a quelque différence s'il est à plumet. On le lustre au sortir de la teinture, & on le traite comme les chapeaux communs, excepté qu'on prend la brosse seche, & qu'on la conduit de la forme à l'arrête, ce qui commence à démêler le poil ; puis on le porte aux étuves. Au sortir des étuves, on l'apprête comme les autres, on observe seulement de tenir le bloc très-propre. Quand il est sec, on le passe au fer en-dessous & en tête ; puis avec un carrelet qu'on tire de la tête à l'arrête, on acheve de démêler le plumet. Quand le plumet est bien démêlé, on le finit comme nous l'avons dit plus haut pour ceux qui n'ont point de plumet. Voilà la maniere dont on fait l'étoffe appellée chapeau, & celle dont on fabrique un chapeau superfin à plumet. C'est la solution du problème que nous nous étions proposé. Si l'on se rappelle la multitude prodigieuse de petites précautions qu'il a fallu prendre pour arracher les poils, les couper, les arçonner, les préparer, pour les lier ensemble lorsque le souffle auroit pû les disperser, & leur donner plus de circonstance par le seul contact, que l'ourdissage n'en donne aux meilleures étoffes : si l'on se rappelle ce qui concerne l'arçonnage, les croisées, la foule, l'assemblage des grandes & petites capades, les travers, la teinture, l'apprêt, &c. on conviendra que ce problème méchanique n'étoit pas facile à résoudre. Aussi n'est-ce pas un seul homme qui l'a résolu ; ce sont les expériences d'une infinité d'hommes. Il y avoit, selon toute apparence, longtems qu'on faisoit des chapeaux & du chapeau, lorsqu'on imagina d'en faire des dorés. L'expression dorés est très-juste ; car en chapellerie comme en Dorure, elle marque l'art de couvrir une matiere commune d'une matiere précieuse. Les castors dorés qui viennent après les superfins, se travaillent comme les superfins, à l'exclusion de ce qui concerne le plumet. Les castors non dorés se travaillent comme les précédens, à l'exclusion de ce qui concerne les dorures. Les demi-castors dorés se fabriquent comme les castors dorés ; la différence n'est ici que dans la matiere & le succès du travail. Voyez plus haut ce qui concerne la matiere. Quant au succès, outre qu'il fatigue quelquefois davantage, parce qu'il est plus ingrat à la rentrée, ce qui multiplie les croisées & la foule, on s'en tire encore avec moins de satisfaction, parce que quand on le bastit trop court, il est sujet à la grigne, défaut, qu'on reconnoît à l'étoffe, quand en passant le doigt dessus, & regardant, on y sent & voit comme un grain qui l'empêche d'être lisse ; & que quand il est basti trop grand & qu'il ne rentre pas assez, il peut être fatigué de croisées & de foule, & s'écailler. Les écailles sont des plaques larges qu'on apperçoit comme séparées les unes des autres ; dans la grigne l'étoffe n'est pas assez fondue, elle est brute ; dans l'écaille elle l'est trop, & commence à dégénérer. Les demi-castors sans dorure, ou fins, n'ont rien de particulier dans leur travail. Les croix se travaillent avec moins de précautions que les fins ; cependant ils demandent quelquefois plus de tems, donnent plus de fatigue, & sont moins payés. La différence des matieres occasionne seule ces inconvéniens. Les communs se fabriquent comme les précédens. Les laines se font à deux capades, & un travers qu'on met sur le défaut des capades ; quant à l'étoupage, il se fait en-dedans & en-dehors : au reste, quelqu'épaisseur qu'on donne à la laine arçonnée & bastie, on voit néanmoins le jour au-travers, le chapeau fût-il de douze à quatorze onces. Ce sont ces jours plus ou moins grands qui dirigent en étoupant ; il faut qu'ils soient les mêmes sur toute une circonférence, & qu'ils augmentent par des degrés insensibles depuis le lien jusqu'à l'arrête. On donne le nom de lien à l'endroit où le travers est uni à la tête ; & on étoupe par-tout où les jours ne paroissent pas suivre l'augmentation réglée par la distance au lien, mais aller trop en croissant. Pour étouper, on a deux fourches ou brins de balais, qui tiennent les bords relevés pendant cette manoeuvre. Au lieu de tamis, on se sert de morceaux de toile ; le lambeau est aussi de toile ; le bastissage s'en fait à feu. Une autre précaution qui a même lieu pour tout autre chapeau, c'est de ne pas trop mouiller la feutriere ; cela pourroit faire bourser l'ouvrage. Bourser se dit des capades, lorsqu'étant placées les unes sur les autres, elles ne prennent pas par-tout. En effet, les endroits non pris forment des especes de bourses. Les plumets sont particulierement sujets à ce défaut, surtout quand le travail des premieres pieces est vicieux. Les laines ne se bastissent pas à la foule, mais au bassin ; & avant que de fouler on fait des paquets de bastis qu'on met bouillir dans de l'urine ou de l'eau chaude, cela les dispose à rentrer. Au sortir de ce bouillon, on les foule à la manique très-rudement & sans précaution. Au lieu du roulet de bois qu'on prend sur la fin de la foule, on se sert d'un roulet de fer à quatre ou six pans ; on les dresse comme les autres, mais on ne les ponce point : le reste du travail est à l'ordinaire. Les superfins à plumet se payent 5 liv. de façon ; les superfins dorés de dix onces, mais sans carder, 2 liv. 15 s. les superfins dorés & cardés de dix onces, 2 liv. 10 s. au-dessous de dix onces, 2 liv. 5 s. les superfins sans dorure 2 liv. les castors ordinaires dorés 1 liv. 15 s. les mêmes non dorés 1 liv. 10 s. les demi-castors dorés 1 liv. 5 s. les demi-castors sans dorure 1 liv. les autres 1 liv. Il ne nous reste plus qu'un mot à dire des chapeaux blancs ; ils demandent à être épincetés plus exactement, jusqu'à la teinture exclusivement on les travaille comme les autres. Il est à-propos d'avoir pour eux une foule de dégorgeage à part ; la raison en est évidente ; au défaut de cette foule on se sert de celle de compagnons. On les dégorge bien à l'eau claire ; quand ils sont dégorgés, on les porte dans une étuve particuliere qu'on appelle l'étuve au blanc ; on les apprête avec la gomme la plus legere & la plus blanche ; c'est un mélange de gomme arabique & de colle foible. Cet apprêt se fait à part, après quoi on les abat au fer ; quelques maîtres les passent auparavant à l'eau de savon, avec une brosse à lustrer ; cette eau doit être chaude. On les fait égoutter & sécher ; on les passe au fer en premier ; puis au son sec, dont on les frotte par-tout ; le reste s'acheve à l'ordinaire. On repasse les vieux chapeaux ; ce repassage consiste à les remettre à la teinture & à l'apprêt, & à leur donner les mêmes façons qu'on donne aux chapeaux neufs après l'apprêt. On ne teint jamais sur le vieux que des laines, de vieux chapeaux, ou des chapeaux de troupes. Le bois d'Inde se brûle au sortir de la chaudiere, & le noir se vend aux teinturiers en bas. Les chapeaux dont nous venons de donner la fabrique ne sont pas les seuls d'usage ; on en fait de crin, de paille, de canne, de jonc, &c. Les aîles en sont très grandes, & ils ne se portent guere qu'à la campagne dans les tems chauds. Ceux de paille & de canne se nattent. Voyez NATTES. Ceux de crin s'ourdissent ; ils sont rares. Voyez CRIN. Voici maintenant les principaux réglemens sur la fabrique des chapeaux, tels qu'on les trouve p. 339. du recueil des réglemens gen. & part. pour les manuf. & fabriq. du royaume, vol. I. Le roi avoit ordonné d'abord qu'il ne fût fait que de deux sortes de chapeaux, ou castor pur, ou laine pure ; mais cette ordonnance ayant eu des suites préjudiciables, elle fut modifiée, & il fut permis de fabriquer des chapeaux de différentes qualités. Il fut enjoint 1°. que les castors seroient effectivement purs castors : 2°. que les demi-castors seroient de laine de vigogne seulement & de castor : 3°. qu'on pourroit employer les poils de lapin, de chameau, & autres, mêlés avec le vigogne ; mais non le poil de lievre, que les réglemens proscrivirent dans la fabrique de quelque chapeau que ce fût : 4°. qu'on pourroit mêler le vigogne & les poils susdits avec le castor, en telle quantité qu'on voudroit : 5°. qu'à cet effet le castor & les autres matieres seroient mêlés & cardés ensemble, ensorte qu'il n'y eût aucune dorure de castor : 6°. que la qualité du chapeau seroit marquée sur le cordon, d'un C pour le castor, d'un C D pour le demi-castor, d'une M pour les mélangés, & d'une L pour les laines : 7°. que les ouvriers ayant fabriqué, & les maîtres ayant fait fabriquer des chapeaux dorés, seroient punis, ainsi que les cardeurs, coupeurs, & arracheurs, chez qui on trouveroit peau ou poil de lievre : 8°. que pour l'exécution de ces nouveaux réglemens, il seroit fait dans les boutiques & ouvroirs de Chapellerie, des visites par ceux à qui le lieutenant de police en commettroit le soin. On voit, par ce que nous avons dit ci-dessus de la fabrique des chapeaux, & par l'extrait que nous venons de donner des réglemens, qu'il s'en manque beaucoup que ces réglemens soient en vigueur. On pense que les chapeaux ne sont en usage que depuis le quinzieme siecle. Le chapeau avec lequel le roi Charles VII. fit son entrée publique à Roüen l'année 1449, est un des premiers chapeaux dont il soit fait mention dans l'histoire. Ce fut sous le regne de ce prince que les chapeaux succéderent aux chaperons & aux capuchons ; & ils firent dans leur tems presqu'autant de bruit que les paniers & les robes sans ceinture en ont fait dans le nôtre. Ils furent défendus aux ecclésiastiques sous des peines très-grieves. Mais lorsqu'on proscrivoit, pour ainsi dire, en France les têtes ecclésiastiques qui osoient se couvrir d'un chapeau, il y avoit deux cent ans qu'on en portoit impunément en Angleterre. Le pere Lobineau dit qu'un évêque de Dole, plein de zele pour le bon ordre & contre les chapeaux, n'en permit l'usage qu'aux chanoines, & voulut que l'office divin fût suspendu à la premiere tête coëffée d'un chapeau qui paroîtroit dans l'église. Il semble cependant que ces chapeaux si scandaleux n'étoient que des especes de bonnets dont les bonnets quarrés de nos ecclésiastiques sont descendus en ligne directe. La forme du chapeau vêtement, la partie qu'il couvre, sa fonction, &c. ont fait employer par métaphore le nom de chapeau en un grand nombre d'occasions différentes, dont on va donner les principales ci-dessous. ... |
**Métier de :**
- *Jean-François Joseph LENAIN , *chapelier à Armentières en 1764
*Sources :** - [Encyclopédie de Diderot et d'Alembert](http://diderot.alembert.free.fr/)*